Coronavirus : les ajustements du droit du travail en pharmacie

Congés imposés et repos forcés : quelles applications en pharmacie ?

Congés imposés : en pharmacie, c’est interdit !

Pour faire face aux conséquences économiques du Covid-19, l’ordonnance 2020-323 du 25 mars 2020 autorise les employeurs à modifier les congés de leurs salariés déjà validés ou à imposer des dates de congés – y compris en anticipé – jusqu’au 31 décembre 2020, dans la limite de 6 jours… À condition qu’un accord d’entreprise ou de branche ait été signé pour encadrer ces modalités.

Le 10 avril dernier, les syndicats d’employeurs et de salariés de la branche de la pharmacie d’officine ont décidé de ne pas conclure d’accord en ce sens. Les pharmaciens titulaires ne sont donc pas autorisés à imposer des congés payés à leurs salariés (pharmaciens adjoints, préparateurs en pharmacie, etc.).

Repos forcés : autorisés !

Quand l’intérêt de la pharmacie le justifie, pour faire face aux difficultés économiques liées à la crise du Covid19, le pharmacien titulaire peut imposer aux salariés la prise de jours de repos à des dates qu’il a lui-même déterminées. Le pharmacien titulaire peut aussi modifier unilatéralement les dates des jours de repos déjà posés.

La garde d’enfants en pratique

Faire garder mes enfants ?

Les professionnels impliqués dans la gestion de la crise du Covid19 peuvent accéder à un dispositif de garde d’enfants mis en place par les régions. C’est le cas, notamment, des professionnels de santé de ville, parmi lesquels figurent les pharmaciens. En revanche, les préparateurs en pharmacie n’apparaissent pas dans la liste établie. Simple oubli ? Probablement.

Depuis le début de la crise, la fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), syndicat patronal majoritaire, n’a eu de cesse d’alerter le ministère sur l’absence des préparateurs en pharmacie dans les textes de crise. Il demande notamment pour eux l’accès aux services de garde d’enfants. Mais ses appels sont actuellement restés sans réponse. Le 10 avril dernier, la décision a été prise, par tous les syndicats représentatifs de la branche de la pharmacie d’officine (employeurs et salariés), d’envoyer au ministère un courrier conjoint en ce sens. Dans l’attente d’un changement, en théorie les préparateurs en pharmacie ne peuvent pas accéder à ce service de garde.

Congés pour garde d’enfants

Conditions

Les crèches et les établissements scolaires étant fermés, les parents qui ne peuvent exercer leur emploi en télétravail ni profiter des services de gardes exceptionnels peuvent rester chez eux pour garder leurs enfants et toucher des indemnités journalières. Ce congé est accordé pour une durée d’un à 21 jours renouvelables, jusqu’au 1er mai. Ensuite, les salariés seront placés en chômage partiel.
En pharmacie, les pharmaciens ne peuvent pas bénéficier de ce congé car les services de garde d’enfants leur sont ouverts. Les préparateurs en pharmacie, étant actuellement exclus des dispositifs de garde, peuvent bénéficier de ce congé à condition :

  • D’avoir un enfant âgé de moins de 16 ans au début du congé, ou un enfant en situation de handicap (quel que soit son âge) ;
  • Que l’autre parent ne bénéficie pas déjà de ce congé (mais les deux parents peuvent se le partager tour à tour et le fractionner).

Démarche à suivre

Pour bénéficier de ce congé, le préparateur en pharmacie fournit à son employeur une attestation : https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/19032020-attestation-de-garde.pdf. Le pharmacien titulaire effectue ensuite une déclaration simplifiée sur : https://declare.ameli.fr/ et transmet les éléments concernant le salaire du préparateur en pharmacie à sa caisse d’affiliation.

Indemnités journalières et complément de salaire

Versement :
Les indemnités journalières (IJ) sont versées sans délai de carence et sans condition d’ancienneté. Comme habituellement, les IJ sont calculées par jour calendaire, week-ends inclus. Ce qui explique que pour une absence effective du lundi au jeudi, par exemple, la déclaration mentionne un arrêt du lundi au dimanche (en cas de reprise le lundi). Les IJ ne sont pas versées à la date habituelle de paiement du salaire mais tous les quatorze jours. Le préparateur en pharmacie peut consulter son échéancier depuis son compte Ameli.

Montant :
Le montant des indemnités versées par l’assurance maladie est égal à 50% du salaire journalier de base (total des 3 derniers salaires brut, divisé par 91.25). L’organisme de prévoyance complète ce paiement à hauteur de 82% du salaire moyen des 12 derniers mois. L’employeur complète ces indemnités pour permettre aux pharmaciens et aux préparateurs en pharmacie cadres et assimilés de toucher 100% de leur salaire (et 90% pour les préparateurs en pharmacie rémunérés en-dessous du coefficient 330).

Horaires modifiés : quelles sont les règles ?

Durée du travail en pharmacie

La règle de base, c’est que l’employeur ne peut pas modifier le nombre d’heures travaillées par jour sans l’accord de son salarié. La durée du travail est un élément essentiel du contrat de travail et sa modification nécessite l’accord des deux parties (pharmacien titulaire d’un côté, pharmacien adjoint ou préparateur de l’autre). Cette modification doit être formalisée par avenant, que le salarié travaille à plein temps ou à temps partiel (congé parental, etc.). La diminution de la durée du travail inscrite au contrat par avenant implique une baisse de salaire.

Force majeure

Quand la situation le justifie (ex : cas de force majeure reconnue par les tribunaux), l’employeur peut décider de réduire les horaires d’ouverture de son entreprise. Dans ce cas, les heures non effectuées sont tout de même payées et devront donc être récupérées dans les 12 mois qui suivent, dans la limite d’une heure par jour et de 8 heures par semaine (sauf si l’employeur décide d’en faire cadeau à ses salariés). Les heures récupérées ne peuvent pas être réparties uniformément toute l’année. Concernant la crise du Covid19, les tribunaux n’ont pas encore statué pour savoir s’il y avait force majeure ou non.

Durée maximale du travail

En temps normal, la durée maximale du travail en pharmacie est fixée à 10h par jour. Pour faire face à la crise du Covid19, la durée journalière du travail peut être augmentée jusqu’à 12h dans les « entreprises relevant de secteurs d’activités particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale ». Mais cette augmentation de la durée du travail doit être encadrée par décret et actuellement, aucun décret n’a été pris à ce sujet concernant la pharmacie d’officine.

Changement d’horaires en pharmacie

C’est l’employeur qui décide de la répartition des horaires de travail, dans la limite du cadre légal. Mais en cas de grands bouleversements (ex : passage d’horaires discontinus à des horaires continus, etc.), le changement ne peut pas se faire sans l’accord du salarié et il doit faire l’objet d’un avenant au contrat de travail.

Chômage partiel en pharmacie

Le chômage partiel nécessite un accord de la DIRECCTE. S’il est accordé à l’entreprise, les heures perdues sont rémunérées à hauteur de 70% du salaire brut (ou plus, si l’employeur le décide). Le dispositif d’activité partielle s’adresse aux entreprises qui sont concernées par un arrêté prévoyant une fermeture, à celles qui sont confrontées à une baisse d’activité ou à des difficultés d’approvisionnement, et aux entreprises dans lesquelles la mise en place des mesures barrières est impossible.

Droit de retrait en pharmacie

Le droit de retrait permet à un salarié de se retirer de toute situation de travail qui présente un danger grave et imminent pour sa vie, pour sa santé, ou lorsque le système de protection est défectueux. Le ministère du travail précise que « le droit de retrait vise une situation particulière de travail et non une situation générale de pandémie ». À la pharmacie, si le pharmacien titulaire n’a pas fourni de masques ou de gants à son personnel ou s’il ne fait pas appliquer les distances de sécurité, on peut imaginer que le droit de retrait peut être exercé. En cas de litige, il appartiendra aux tribunaux d’évaluer le caractère raisonnable du motif sur lequel le salarié s’est fondé pour exercer son droit de retrait.

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